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La petite histoire des marchés publics au Québec

Auteur : Diane Drapeau

DÈS LE RÉGIME FRANÇAIS JUSQU’À LA FIN DU XVIIe SIÈCLE

Les marchés publics émergent comme des institutions vitales dans les principales villes du Québec telles que Québec, Montréal et Trois-Rivières. À cette époque, ces marchés jouaient un rôle social essentiel en subvenant aux besoins alimentaires de la population pour prévenir les disettes et en offrant un lieu de vente pour les produits des habitants des campagnes.

Ouverts chaque semaine à heure fixe, les marchés démarraient dès 8 h l’été et dès 9 h l’hiver, au son des cloches de l’église. Ces lieux de rencontres étaient des points de convergence où se tissaient des liens commerciaux et sociaux essentiels à la vie quotidienne des habitants.

Le marché Montcalm. Carte postale ND Photo, 1907, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P547, DL431Q14, P391.

AU COURS DU XIXe SIÈCLE

Les marchés publics se transforment en véritables foires régulant le négoce entre les commerces. Avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement anglais, une réglementation plus stricte est mise en place pour garantir le respect des normes d’hygiène et de qualité des produits offerts. Ainsi, les marchés ne sont plus seulement des lieux d’approvisionnement alimentaire, mais des espaces publics où toute la colonie se rassemble, où les ordonnances sont criées, où se déroulent même des duels et des châtiments!

À la fin du XVIIIe siècle, les premières halles font leur apparition, offrant une protection contre le soleil et les intempéries tant aux aliments qu’aux marchands. Les places de marché deviennent alors des espaces économiques ; et le théâtre de la culture populaire où se déroulent diverses activités. On y accueille des artistes, des musiciens, des saltimbanques pour attirer la population. 

Des structures multifonctionnelles, telles que le marché de Saint-Hyacinthe, qui combinent des fonctions socioéconomiques et socioculturelles, sont érigées. Cette évolution consolide le rôle des marchés comme des places publiques au cœur de la vie urbaine.

 

AU XXe SIÈCLE, LES MARCHÉS PUBLICS CONNAISSENT UN DÉCLIN IMPORTANT ENTRE 1950 ET 1970.

L’avènement des supermarchés, l’étalement urbain et l’industrialisation alimentaire entraînent un renversement des valeurs traditionnelles et un abandon progressif des marchés publics. En 1981, il ne subsistait que 36 marchés! 

Il faut attendre les années 1990, pour qu’un vent de renouveau souffle. En 2012, leur nombre atteint 55, 84 en 2015, 84, en 2019, 123… et en 2024, ce chiffre monte à près de 150, signe d’une renaissance remarquable qui n’est pas le seul fait de la pandémie. Le mouvement pour une alimentation locale était déjà amorcé.

 

COMMENT UNE FORME DE COMMERCE EN APPARENCE SI ARCHAÏQUE A-T-ELLE PU SURVIVRE?

Dans la Revue de la culture matérielle, Yves Bergeron présente un résumé d’une thèse de doctorat en ethnologie dont les marchés publics ont fait l‘objet en 1992 pour répondre à cette question. 

 

La réponse ? Les marchés publics ont survécu en raison de l‘importance des rapports socioculturels qui leur sont intimement liés. Plus que des espaces commerciaux, ce sont des places publiques où les habitants se rencontrent, échangent et créent des liens sociaux. Cette cette dimension sociale a permis aux marchés publics de survivre et de se réinventer au fil du temps, en s’adaptant aux besoins changeants de la société québécoise. 

 

Aujourd’hui, les marchés publics du Québec jouent rôle crucial dans la promotion de l’agriculture locale, la gastronomie régionale et le commerce équitable. Ils sont des lieux de rencontre entre les producteurs et les consommateurs et des endroits où l’on peut se procurer des aliments frais et de qualité.

Ils symbolisent la vitalité des communautés locales, renforçant ainsi les liens sociaux et culturels entre les habitants. En offrant une alternative aux grandes surfaces commerciales, ils encouragent une consommation plus responsable et respectueuse de l’environnement, tout en favorisant l’économie locale et le développement durable.

Les Marchés publics du Québec sont le reflet d’une histoire riche et diversifiée, d’une tradition ancestrale de partage et d’échange, et d’une volonté collective de préserver et de valoriser notre patrimoine agricole et culinaire.

Malgré les changements d’époque, certaines coutumes persistent : le marché public est devenu le nouveau lieu de rassemblement, héritant aujourd’hui du rôle du parvis de l’église.